SurfAtm en accès libre : un modèle pour évaluer les flux de polluants entre l’atmosphère et la biosphère
13 mars 2024A l’occasion de la mise à disposition en accès libre de l’outil de modélisation SurfAtm (contraction de surface et atmosphère), Erwan Personne, enseignant-chercheur à AgroParisTech rattaché à l’Unité mixte de recherche EcoSys* (INRAE - AgroParisTech) et initiateur de ce modèle en collaboration avec Patrick Stella, maître de conférences à AgroParisTech, nous en dit plus sur le sujet, sur ses spécificités et sur les différents usages de l’outil.
*Ecologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes
Un outil simple d’utilisation pour évaluer les flux de polluants
Le modèle SurfAtm a été développé pour répondre au besoin d’évaluer les flux de polluants entre des écosystèmes terrestres (initialement sur des parcelles agricoles mais valables dans tous les écosystèmes naturels) et l’atmosphère. Concrètement, ce modèle mathématique permet, avec des données climatiques et des descriptions de surface (type de plante, de sol etc.) de modéliser la quantité d’énergie échangée et la quantité de polluants échangée dans un périmètre donné. Les polluants modélisés aujourd’hui comprennent l’ozone, les pesticides, l’ammoniac (ndlr : à l’avenir également les aérosols) : l’ammoniac, majoritairement émis par les surfaces agricoles après apports d’engrais azotés, l’ozone, pour ses effets néfastes au point d’affecter les rendements des productions végétales, et les pesticides, pour l’évaluation des pertes de pesticides dans l’air par volatilisation après leur application aux champs, sont les composés gazeux qui ont été spécifiquement intégrés pour leur implication fortes dans les écosystèmes agricoles.
« Ce modèle d’échanges pour les polluants quantifie par exemple combien de grammes de pesticides se retrouvent dans l’air et dispersés ou combien de kilos d’azote sont perdus dans l’air après un apport d’engrais sur une surface, donc ”inefficaces” pour la culture. Et il se veut générique : si l’on connaît la spécificité du polluant, en particulier au niveau de ses interactions (biologiques et physico-chimique) avec les surfaces, on peut l’adapter à partir de notre modèle. Nous pouvons ainsi quantifier combien de polluants sont émis ou combien sont déposés soit par heure, soit par semaine, soit par année, même par dizaine d’années… ». précise Erwan Personne.
Les spécificités du modèle SurfAtm
L’originalité du modèle se situe sur deux plans : sur le plan scientifique et sur la démarche.
Sur le plan scientifique, deux spécificités. Premièrement, le modèle est « multi-polluants », il est donc possible de modéliser plusieurs polluants simultanément, et il est même possible, sous condition d’adapter ce paramètre dans l’outil, de modéliser un polluant qui n’est pas inclus dans les paramètres initiaux. Deuxièmement, il est possible de connaître les températures des surfaces (surface de la plante, du sol…)
lesquelles sont très importantes pour bien décrire le microclimat : « C’est spécialement cette étude du couplage énergie – polluants qui est original dans le modèle SurfAtm ».
Sur la démarche également, Erwan Personne prône la transparence du processus : « Nous avons suivi tout le process jusqu’à la diffusion publique. Ce travail de conception et de paramétrisation du modèle s’est appuyé sur des travaux de thèses (développements informatiques et numériques, validation par des expérimentations) avec des publications scientifiques adossés à ces travaux. Au-delà de la diffusion scientifique, toutes les étapes de la diffusion du modèle ont été instruites : le modèle a donné lieu à une déclaration d’invention, puis à la protection du nom (SurfAtm) et au code sous licence libre avec un process de versionning et de reviewing. »
La diffusion plus large s’est ensuite faite par le biais d’un journal à comité de lecture (Elsevier) et une diffusion de l’ensemble code - compilation - simulation sur une plateforme libre d’accès (nommé Codeocean).
SurfAtm est également en couplage avec des modèles d’échanges en milieu urbain dans le but de quantifier l’effet de la végétation urbaine sur la qualité de l’air en ville (plus particulièrement sur les polluants cibles que sont l’ozone et les particules fines).
A qui est destiné le modèle SurfAtm ?
« L’outil est suffisamment simple pour être utilisé aussi bien dans le cadre universitaire (lors de TD par exemple) que dans le cadre de la recherche (dans les laboratoires). Mais il a aussi vocation, en tous cas c’est notre objectif, d’être utilisé par des bureaux d’études ou des chambres d’agriculture. Il a donc trois publics possibles : des étudiants pour de la pratique, des chercheurs dans le cadre de leurs travaux (il est d’ailleurs utilisé dans nos labos à l’UMR EcoSys), des personnels de bureaux d’études, d’Airparif…Le transfert vers la société est fait. » conclut Erwan Personne.
Ce modèle intéresse également hors de nos frontières puisque des universités américaines et chinoises se sont rapprochées de l’enseignant-chercheur à l’origine du projet.