« Produire des protéines durables et accessibles au plus grand nombre, c’est notre mission au sein de Yeasty »
13 janvier 2023A l’occasion de leur levée de fonds de 1,4 millions d’euros (menée par Asterion Ventures et accompagnée par Satgana et Caméléon Invest), rencontre avec Nikola Stefanovic, ingénieur diplômé d’AgroParisTech et cofondateur de l’entreprise Yeasty. Il nous raconte l’évolution de ce projet qui compte bien révolutionner le secteur agroalimentaire avec de la levure de bière non utilisée par les brasseries !
Notre parcours et la naissance de l'idée
Mathieu Durand (mon associé et cofondateur de Yeasty) et moi-même étions tous les deux en première année à AgroParisTech quand nous nous sommes rencontrés au sein d’une association de brassage : on faisait découvrir de la bière artisanale à d’autres étudiants. L’envie d’entreprendre était déjà là, mais nous n’avions pas encore le projet Yeasty en tête. En réalité, à cette époque, je voulais plutôt monter une brasserie. Après réflexion, je me suis dit que ce n’était pas la meilleure idée. Il existe déjà plus de 2 000 brasseries en France, quelle valeur ajoutée pouvais-je apporter dans ce domaine ?
En deuxième année du cursus ingénieur à AgroParisTech, nous nous sommes spécialisés dans la filière agroalimentaire et nous avons choisi l’option «Bioraffinerie et chimie verte» : nous avons ainsi étudié plusieurs process de revalorisation, en visitant plusieurs usines où des quantités importantes de matières carbonées et azotées sont rejetées par les industriels. En constatant cela, je me suis demandé comment revaloriser des produits qui ne le sont pas, que ce soit dans le milieu agroalimentaire (protéinés) ou dans le milieu énergétique (avec les biocarburants). Depuis le début, il a toujours été question pour nous d’évoluer dans un projet professionnel qui ait un impact non seulement sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan social, avec une innovation accessible au plus grand nombre.
Le déclic «Yeasty» (de yeast, levure en anglais) est venu en lisant un rapport sur les levures : c’est à ce moment-là que je me suis rendu compte de la quantité jetée…par les brasseries (au moins 50 000 tonnes par an en France !) car trop coûteuse à traiter et j’avais trouvé le chiffre énorme.
Ayant consommé moi-même de la levure en poudre pour le sport, j’ai tout de suite vu le potentiel qu’il y aurait à essayer de revaloriser et transformer un produit intéressant nutritionnellement et source de protéines ! J’ai demandé à Mathieu s’il était prêt à me suivre sur la partie technique, et c’est comme ça que tout a commencé.
Validation du projet et entrée au Food'InnLab
Pour valider notre projet, nous avons candidaté à l’appel à projets du Jury Maturation, organisé par le Food’Innlab d’AgroParisTech : nous avons reçu la validation du jury et gagné une bourse de 3 000 euros pour nous lancer, tout en ayant accès aux laboratoires du Food’InnLab et à l’accompagnement dédié aux porteurs de projets.
Pour nous consacrer à 100% au projet Yeasty, nous avons décidé d’effectuer notre année de césure à ce moment-là et pour compléter nos recherches, nous avons également intégré le laboratoire biotech du Génopole. Avoir plusieurs cordes à notre arc nous a permis de développer des procédés, de tester nos premiers produits en direct. Car il faut savoir qu’on fait face à un défi de taille si on veut que la levure issue du brassage soit consommable : il faut faire disparaître son amertume si caractéristique (et c’est pour cette raison qu’on la consomme en poudre d’ailleurs !) et personne ne sait comment révéler son potentiel tout en maintenant un faible impact environnemental / coût…
Un an plus tard, nous participions au Jury Entreprendre (toujours au Food’InnLab) pour obtenir une nouvelle bourse de 5 000 euros qui nous a également beaucoup aidé à structurer le projet, payer des frais R&D…
Tout au long du parcours, nous avons été épaulés par Grégoire Burgé, directeur adjoint en charge de l’Innovation
et coordinateur du réseau des InnLabs, Salomé Falise et Sarah Hoenen, responsable et chargée de mission au Food’InnLab. Ils ont pu nous aiguiller, nous apporter conseils et réseaux d’experts…Une aide précieuse pour avancer vers la prochaine étape : l’industrialisation du produit.
Nikola StefanovicDepuis le début il a été question pour nous d'évoluer dans un projet professionnel qui ait non seulement un fort impact sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan social, avec une innovation accessible au plus grand nombre.
La levée de fonds, un premier pas vers le Yeasty de demain
Depuis 2022 et grâce à l’arrivée de Juan Londono, troisième co-fondateur de Yeasty et responsable de la partie marketing et communication, nous avons déjà des potentiels clients (industriels de l’agroalimentaire) très intéressés par notre projet. La levée de fonds va permettre de financer des machines coûteuses, d’avoir notre propre laboratoire, de recruter de nouveaux profils, d’industrialiser notre production d’échantillons…Le marché des produits protéinés est particulièrement porteur, et le fait que nous soyons la seule entreprise au monde à savoir désamériser cette levure sans en ôter toutes ses propriétés (et sans procédés chimiques !) ne peut que nous donner confiance en un avenir prometteur pour Yeasty.
Où nous nous voyons dans cinq ans ? Déjà dans un peu plus d’un an, c’est une première unité pré-industrielle qui tourne et qui produit 100 tonnes par an. Début 2026, ce sera une unité à très grande échelle avec pour objectif de revaloriser 5 000 tonnes par an (ligne qu’on reverra en fonction de la demande clients), pour aller jusqu’à 20 000 tonnes par an. Dans cinq ans, pourquoi pas nous installer à l’international ? Evidemment, ce sont des objectifs qu’on se fixe, le chemin n’est pas tout tracé mais on est lancés !
Grégoire Burgé, coordinateur des Innlabs, nous en dit plus sur Yeasty
En lien avec mes activités au sein de la Direction de la Recherche, de l’Innovation et du Transfert Technologique, notamment autour de l’animation des InnLabs, des pré-incubateurs scientifiques et techniques d’AgroParisTech, j’accompagne Yeasty depuis les origines du projet, c’est à dire depuis leur premier passage en Jury Maturation de l’itinéraire entrepreneuriat de l’école, pour lequel ils avaient reçu un soutien financier de la Fondation AgroParisTech. Mon rôle en tant qu’accompagnateur s’est principalement concentré sur les aspects stratégiques et business, notamment via l’utilisation de la méthode Business Design de Vianeo qui a beaucoup structuré et cadré les réflexions au début de l’histoire. Ayant un doctorat en biotechnologies industrielles, j’ai également suivi de près le développement de leur technologie. C’est donc tout naturellement que j’ai accepté d’intégrer leur board lorsque Nikola et Mathieu me l’ont demandé ! C’est un vrai plaisir d’accompagner au quotidien des entrepreneurs et des projets aussi innovants que celui-là.