AgroParisTech, VetAgroSup et l’EHESP lancent l’Institut One Health
01 décembre 2023Le 20 octobre 2023 était inauguré l’EID@Lyon, l’Ecole Universitaire de Recherche dédiée aux maladies infectieuses émergentes, au sein de laquelle se greffe le nouvel Institut One Health. Premier institut national lié au concept One Health ou « Une seule santé » en français, composé d’AgroParisTech, VetAgroSup, et l’EHESP (Ecole des Hautes études en santé publique), il a pour vocation de devenir l’organisme de référence dans la formation des décideurs publics sur les sujets liés à cette approche.
Pour mieux comprendre ce qu’il se cache derrière le terme et les objectifs de l’institut, rendez-vous est pris avec Antoine Gerbault, chargé de mission Institut One Health et ingénieur AgroParisTech.
Bonjour Antoine Gerbault. Avant d’évoquer l’Institut, pouvez-vous nous donner la définition de One Health ?
A.G : One Health ou « Une seule santé » est un concept qui existe depuis vingt ans environ. C’est l’idée que santé humaine, santé animale et santé de l’environnement sont intimement liés, avec des interactions permanentes entre les trois et qu’il faut en tenir compte pour décloisonner les approches sanitaires et favoriser les collaborations entre tous les acteurs.
Des experts d’instances de l’ONU (OMS, FAO, OMS-animale, PNUE) se sont réunis pour donner une définition précise de One Health : “Le principe « Une seule santé » consiste en une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes. Il reconnaît que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement en général (y compris des écosystèmes) est étroitement liée et interdépendante.”
Si historiquement, le concept a été porté par les vétérinaires car ils exercent à l’interface entre l’Homme et l’Animal, il a été mis sur le devant de la scène lors de la dernière pandémie : la crise du COVID-19. Ce dernier virus, par son impact planétaire, a sensibilisé un plus large public sur la nécessité de mieux appréhender ces liens complexes pour une approche plus globale des enjeux sanitaires.
Pouvez-vous nous donner des exemples d’études qui illustrent le concept ?
A.G : L’exemple le plus parlant sont les zoonoses, ces maladies infectieuses transmissibles de l’animal à l’Homme (la maladie de Lyme, la grippe aviaire, le coronavirus…). Il y a d’autres grands sujets tout aussi importants à l’étude, comme l’antibiorésistance. Ces bactéries résistantes sont très problématiques : un usage trop important d’antibiotiques affecte aussi bien les humains que les animaux et en bout de chaîne l’environnement, victime des rejets de l’industrie pharmaceutique et de nos propres déchets. Autre sujet préoccupant, très actuel : l’interrogation sur le lien entre utilisation de pesticides dans l’agriculture conventionnelle et l’effondrement de la biodiversité…Là encore, tout est lié !
Quel que soit le sujet, ce qui est intéressant c’est qu’il faut sortir de son prisme anthropocentré pour comprendre qu’un environnement en bonne santé ce sont des humains des animaux et des plantes en meilleure santé aussi.
Revenons à l’Institut One Health. Comment est-il né et quel est le rôle d’AgroParisTech dans cet institut ?
A.G : Tout part d’une volonté politique. Suite au COVID, des financements publics ont été développés et confiés à l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) pour lutter contre les maladies zoonotiques (dans le cadre du programme France 2030) en créant un dispositif de formation pour prévenir et gérer les crises liées à ces maladies, une approche globale et transversale étant encore aujourd’hui trop peu connue et intégrée dans la stratégie des entreprises mais également au sein de la fonction publique.
Et c’est à l’occasion du Salon international de l’Agriculture de mars 2023 que Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et Agnès Firmin le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, ont annoncé la création de l’Institut One Health.
Il était tout à fait logique que nous participions activement à la création de cet Institut de par les thématiques portés au sein de nos établissements. AgroParisTech est un établissement d’enseignement supérieur et de recherche qui mène des travaux de recherche sur la santé humaine, sur la santé animale, sur la santé des végétaux et des écosystèmes : nous regroupons au sein de notre établissement les trois thématiques, nous faisons déjà du One Health !
L’objectif de l’institut est de former les décideurs publics, aussi bien, par exemple, du personnel hospitalier que du personnel exerçant dans des ministères et des services déconcentrés de l’Etat ou dans des collectivités territoriales. C’est apporter une réponse à cette question : en tant que décideur public, comment avoir concrètement, sur le terrain, une approche plus globale et transversale des enjeux sanitaires ?
Concrètement, comment se présentera cette formation ?
A.G : Il faut d’abord souligner que coconstruire ensemble (ndlr : AgroParisTech et ses partenaires) un programme de formation pluridisciplinaire à échelle nationale, c’est une première en France ! Adossé à l’Ecole universitaire de recherche EID@Lyon et porté par l’Université Lyon 1, l’institut s’appuiera sur un catalogue innovant de formations, à la fois interdisciplinaires et intersectorielles, proposées par les trois grandes écoles et dans l’esprit d’« une seule santé ».
Concernant le programme : notre établissement portera le volet « santé environnementale » et « systèmes de production ». Les sessions de formation se feront en alternance entre le campus de VetAgroSup à Lyon; le Campus de Palaiseau pour AgroParisTech et à Rennes pour l’EHESP. Ce sont nos enseignants-chercheurs et ceux de nos partenaires qui animeront les cours. Nous pouvons aussi, selon les spécialités, faire appel à des experts d’autres universités ou du CNRS, de l’INRAE, de l’ANSES…
Les modules de la formation sont en cours de création et les premières formations sont prévues pour juin 2024. Elles dureront trois semaines et seront régionalisées pour être au plus près des problématiques locales. Des décideurs publics du Grand Est n’auront sans doute pas les mêmes problématiques que des décideurs publics exerçant en Bretagne !
Pour former les décideurs, il faut les sensibiliser au concept (One Health, qu’est-ce que c’est ?), pour mieux comprendre les réseaux (quelles sont les structures impliquées au niveau régional et national ?) et être informé(e) des ressources et leviers à activer pour appliquer le concept sur le terrain. Pour ainsi avoir les meilleurs outils pour faire de la prévention.
Antoine GerbaultL’objectif de l’institut est de former les décideurs publics, aussi bien du personnel hospitalier que du personnel exerçant dans des ministères et des services déconcentrés de l’Etat ou dans des collectivités territoriales. C’est apporter une réponse à cette question : en tant que décideur public, comment avoir concrètement, sur le terrain, une approche plus globale des enjeux sanitaires ?
Quel est l’objectif à moyen ou long terme de l’institut ?
A.G : Notre volonté est de devenir l’organisme de formation de référence sur la thématique One health en France. Pour être plus précis, il s’agit de devenir une référence dans la formation continue et dans l’aide à la décision publique.
Nous souhaitons développer cette aide en coconstruisant le programme avec les participants, en nourrissant au fur et à mesure nos connaissances sur les problématiques. L’idée est de se servir de ces connaissances et de ces expériences accumulées pour développer une expertise publique et ainsi répondre à des demandes territoriales ou nationales.