« Il est fondamental de créer un récit positif ensemble, en valorisant la richesse et la diversité de nos territoires »
14 avril 2023Comment redynamiser un territoire en valorisant les richesses qui lui sont propres ? C’est la question centrale qui habite les acteurs du programme de recherche-action REACTEURS (pour « Réorienter, réinventer, relier l’agriculture pour les territoires et les acteurs »), coordonné par des chercheurs d’AgroParisTech Clermont-Ferrand Laurent Lelli et Célia Auquier pour l’UMR Territoires, associés à la chaire partenariale InterActions (soutenue par la Fondation AgroParisTech). Né en 2019, ce projet a pour objectif d’encourager l’attractivité territoriale de quatre territoires du Massif central dans un processus collaboratif, afin de dynamiser leur développement économique grâce à l’identification et à la valorisation des marqueurs territoriaux.
Une recherche-action pour identifier et développer les nouveaux marqueurs agricoles en Massif central
Avant d’expliciter la méthodologie déployée pour le programme REACTEURS, il s’agit de mieux comprendre les contraintes auxquelles font face les quatre territoires agricoles qui ont été étudiés (le Parc naturel régional du Morvan, la Coopérative des Fermes du Figeac pour le Lot, la Communauté de Communes des Rives du Haut-Allier et le Syndicat Mixte Est Creuse Développement pour la Creuse) : le déclin démographique, d’abord, avec l’effondrement de la population sur ces territoires, mais aussi la crise structurelle de l’élevage et un isolement inhérent à la désertification de la population et des services. Et ces contraintes contribuent à construire des récits souvent exclusivement négatifs sur ces territoires.
Or pour faire vivre les agriculteurs, pour penser l’avenir de ces territoires et relever les défis actuels de nos sociétés, il est nécessaire d’identifier les potentiels qui leur sont propres pour les valoriser et créer ainsi davantage de récits positifs : « Il faut prendre en compte et valoriser la diversité de nos territoires : on peut faire vingt kilomètres en pleine campagne et d’un territoire à l’autre, nous avons des différences à prendre en considération. C’est une richesse ! » précise Laurent Lelli, géographe, chercheur et directeur du Campus de Clermont-Ferrand.
Et si ces contraintes devenaient au contraire des spécificités et des leviers pour agir ?C’est ainsi qu’à la naissance du projet, agriculteurs, habitants, entreprises, artistes, collectivités, en coopération avec les chercheurs coordinateurs, se sont mis collectivement en quête d’identification des marqueurs, dans l’objectif de créer ainsi une stratégie durable qui puisse correspondre à leurs problématiques de territoire.
Des temps d’apprentissages collectifs pour fédérer autour des marqueurs
« Pour se déployer, il faut aussi recréer du lien social dans ces territoires, du lien entre les agriculteurs et les différents acteurs présents. Et pour les agriculteurs, il faut aussi accepter un regard nouveau », précise Laurent Lelli.
(Re)créer ce lien et élaborer un récit collectif plus positif, c’est embarquer durant trois ans d’études de terrain toute l’équipe de recherche-action dans une stratégie reposant autant sur une grille d’analyse de recherche que sur des dispositifs d’animations, des séminaires, des voyages d’études… Des « allers-retours méthodologiques » nécessaires pour définir des marqueurs, le récit collectif ayant à cet égard plusieurs usages dans le territoire : un impératif économique pour que le maximum de valeur ajoutée revienne au territoire, mais aussi des valeurs paysagères, patrimoniales, historiques, culturelles pour que les acteurs locaux, les habitants reconstruisent un sentiment d’appartenance fort à « leur agriculture ».
Un premier bilan positif et des résultats concrets
Deux exemples cités dans la vidéo, la noisette pour la Creuse et la châtaigne pour le Lot, démontrent l’importance d’inclure un panel d’acteurs qui soit large et représentatif (par exemple : les métiers de bouche pour la noisette !), de s’accorder un temps long dans l’analyse et de se saisir des problèmes spécifiques liés à son territoire pour penser l’avenir. Car un marqueur à lui seul ne peut enclencher l’action : il faut pour cela une dynamique collective. « Le bilan de ces trois années est très positif, avec un bon suivi des collectivités publiques sur le sujet, des équipes motivées et une méthodologie éprouvée par toutes les parties prenantes du programme. Sur certains territoires, ce programme a permis d’aller plus loin, comme par exemple la relance de la filière châtaigne à Figeac ou la création d’un projet de diversification de la noisette en Creuse, ou bien encore l’accompagnement d’un collectif d’éleveurs producteurs de tommes dans le Morvan. Forts de cette expérience, nous souhaitons aujourd’hui que le projet puisse se poursuivre avec de nouveaux territoires », conclut Laurent Lelli.
La première édition du programme REACTEURS, qui a pris fin en 2022, a été financé par le GIP Massif central et l’ANCT Massif, et cofinancé par l’Union européenne, grâce au FEDER (Fonds Européen de Développement Régional) et par le FNADT (Fonds National d’Aménagement et de Développement du Territoire).