
Une levée de fonds pour développer l’agroécologie
28 mars 2025Face au dérèglement climatique, à la crise de la biodiversité et aux enjeux de souveraineté alimentaire, une transformation urgente de nos modèles agricoles est indispensable et des moyens exceptionnels doivent être mobilisés. En 2025, l’objectif prioritaire de la Fondation AgroParisTech est de concevoir et déployer un programme global dédié à l’agroécologie au bénéfice des agriculteurs et de toute la chaîne de valeur. C’est pourquoi elle lance une collecte de fonds exceptionnelle de 100 millions d’euros sur cinq ans. Entretien avec Olivier Guize, Président de la Fondation AgroParisTech et Margaux Morin Diakhaby, déléguée générale, pour en savoir plus.
Bonjour Margaux, Olivier. Avant de nous parler de cette collecte de fonds, pouvez-vous nous rappeler l’histoires et les missions de la Fondation AgroParisTech ?
M.M-D : La Fondation a été créé en 2012 sous l’égide de la Fondation ParisTech. L’idée initiale, née d’une volonté commune d’AgroParisTech alumni et de la Maison des ingénieurs agronomes, est de créer un outil au service de l’établissement pour apporter des ressources financières et des compétences provenant du monde extérieur à l’école mais également pour faciliter les liens d’AgroParisTech avec son écosystème, aussi bien public que privé. Plusieurs activités se sont lancées lors de sa création : des appels à projets de bourses, la création de Chaires thématiques pour permettre aux enseignants-chercheurs de travailler en mode projet avec des partenaires à partir d’un sujet de recherche qui illustre les thématiques variées d’AgroParisTech, des projets de « recherche-action » reconnus dans leur domaine. En un peu plus de dix ans, notre bilan est plus que positif : nous avons pu soutenir plus de 800 projets, participer à la création et au développement d’une dizaine de chaires de mécénat et réunir autour de nous plus de 70 partenaires de tout ordre. Fort de ces chiffres et après 18 mois de travail, la Fondation a obtenu en novembre 2023 son statut de fondation reconnue d’utilité publique autonome (FRUP), soit la plus haute distinction. Ce statut a conduit à la nomination d’un nouveau conseil d’administration et d’un nouveau président : Olivier Guize.
Depuis sa création, la Fondation récolte 2 millions d’euros par an en moyenne. Pourquoi faire cette levée de fonds à la fois ambitieuse et spécifique ?
O.G : Pour une fondation aussi jeune, récolter chaque année une somme aussi importante pour nourrir les projets est déjà en soi un pari réussi. Pour aller plus loin et investir massivement dans des sujets d’avenir comme l’agroécologie, il nous faut changer d’échelle. La ressource est là : la France est le premier pays agricole européen, nous avons aussi des compétences et des connaissances, pourtant tout ceci n’est pas très bien articulé ni très structuré. Or, nous devons traiter de sujets vitaux et urgents, on ne peut pas attendre cinq, dix ans ! C’est pourquoi nous avons pris la mesure de l’ampleur de la tâche avec une levée de fonds ambitieuse certes, mais on le sait pertinente. Pour preuve l’annonce de cette levée de fonds a provoqué auprès de nombreux collaborateurs et partenaires beaucoup de réactions très positives, enthousiastes.
Pourquoi l’agroécologie ?
O.G : Bien que nous soyons un grand pays agricole, il faut garder en tête que chaque année, les agriculteurs font face à des difficultés de plus en plus fortes et fréquentes, qui bien souvent menacent leurs récoltes et impactent fortement leurs métiers. Ces difficultés sont très souvent directement liées au dérèglement climatique (sécheresses, inondations…). L’urgence est là : il nous faut trouver un modèle qui soit à la fois résilient et productif, et l’agroécologie est un pari qui a fait ses preuves. Comme son nom l’indique, il associe l’agriculture et l’écologie. Nous avons un rôle important à jouer et nous en avons conscience. À AgroParisTech, c’est un sujet qui est évidemment très suivi et étudié, l’INRAE aussi travaille depuis un moment sur le sujet. On se rend compte qu’il y a des initiatives intéressantes qui se développent partout sur notre territoire mais que le mouvement n’est pas encore lancé à grande échelle. Certes, l’agriculture biologique existe mais le bio répond à un cahier des charges très précis, ce qui laisse peu de marges pour innover et agir. L’agroécologie embrasse une palette de thématiques importante, avec des approches nombreuses et évolutives qui nous permettent de réfléchir à un champ d’actions et nous laisseraient une grande liberté avec des associations de plusieurs thématiques complémentaires.
À qui s’adresse cette levée de fonds et à quoi va-t-elle servir concrètement ?
M.M-D : Pour mener à bien cet objectif, le soutien de tous est précieux. La campagne en tant que telle s’adresse aux particuliers et aux entreprises, avec trois possibilités d’engagement : un, l’Innovation et le partage des savoirs (50M€), pour créer un programme ambitieux de recherche-action en agroécologie, diffusable à plus large échelle ; deux, le déploiement d’initiatives de terrain (40M€) qui vise à renforcer le financement de projets transformants et trois, toujours dans la continuité d’encourager les jeunes porteurs de projets, un volet dédié au soutien aux talents (10M€), en offrant des bourses étudiantes.
O.G : J’ajouterais que les entreprises, qui sont de plus en plus sensibilisées sur le sujet, sont également sollicitées et qu’elles ont tout intérêt à soutenir un programme de ce type, tourné vers l’intérêt général. L’État ayant des moyens limités pour agir, il est nécessaire que nous puissions compter sur un maximum de donateurs, que ce soit des entreprises ou des particuliers de tous milieux. Tout le monde, avec ses moyens bien sûr, peut donner !
Quels acteurs mobilisez-vous pour ces différents volets ?
M.M.D : La Fondation a toujours été et sera toujours très « connectée » à l’école et à ses acteurs, c’est pourquoi nous élaborons dès maintenant un état des lieux de tout ce qui se fait déjà au sein de l’établissement. On s’appuie sur ce qui a déjà été fait pour rassembler, prendre connaissance des initiatives et pour leur permettre de mieux se connecter entre elles. Et puis, au-delà de notre établissement, il faut réunir les savoirs existants sur tout notre territoire pour mieux les diffuser. Aujourd’hui, le savoir est trop dilué et il faut pouvoir le rassembler pour repenser à une diffusion verticale, des laboratoires aux champs en passant par les associations qui ont de vraies connaissances et expériences du terrain. Enfin, au sein de la Fondation, il faut rappeler que nos « acteurs » sont pour beaucoup bénévoles, que ce soit des étudiants ou les membres du conseil d’administration. Nous sommes tous mobilisés sur le sujet : c’est avec le maximum d’acteurs que nous aurons le plus d’impact.