L’Unité de Recherche et de Développement Agro-Biotechnologies Industrielles fête ses dix ans
20 juillet 2023L’unité de Recherche et de Développement Agro-Biotechnologies Industrielles (URD ABI) d’AgroParisTech, située à Reims et spécialisée dans la valorisation de co-produits agricoles à partir de procédés chimiques et biotechnologiques durables, fête ses dix ans. Quelles sont ses principaux axes de recherche ? Les objectifs pour les dix ans à venir ? Comment a-t-elle vu le jour ? Rencontre avec Florent Allais, directeur et fondateur de l’URD ABI et Kévin Magnien, directeur adjoint, en charge des partenariats académiques et industriels et de la valorisation de la recherche.
Développer et optimiser des procédés industriels plus durables, la vocation de l'URD ABI
Kévin Magnien : L’objectif de l’URD ABI est de valoriser les co-produits agricoles en molécules à moyenne et haute valeurs ajoutées via des procédés industriels plus durables. À travers nos recherches, nous allons travailler pour différents secteurs d’application comme la chimie fine ou la chimie de spécialité, les polymères et matériaux, la santé des cultures, ou encore la cosmétique. Pour exemple, l’URD ABI est reconnue pour ses travaux de recherche sur les molécules anti-UV avec quatre brevets déjà déposés, bientôt cinq.
Florent Allais : La stratégie utilisée pour développer ces molécules anti-UV, notamment pour des crèmes solaires qui ne soient pas nocives pour les consommateurs ni pour les océans, repose sur le biomimétisme. À travers nos recherches, non seulement nous essayons de «mimer» des molécules qui existent déjà dans les plantes, mais nous essayons aussi de les biosourcer, c’est à dire de les produire à partir de briques élémentaires que l’on va retrouver dans les plantes. L’idée est donc de fabriquer des molécules biomimétiques à partir de molécules biosourcées et par des procédés verts qui peuvent être chimiques, biocatalytiques, biotechnologiques… D’où l’intérêt de l’existence des trois équipes et de la transdisciplinarité d’ABI.
Kévin Magnien : Oui, et nous avons plusieurs axes de développement et de recherche reposant sur cette stratégie. Autre exemple : l’URD ABI est, de base, tournée vers la recherche appliquée et l’industrie et nous avons créé, parmi tous nos partenariats, un partenariat très fort avec une start-up australienne, CIRCA, qui a développé un procédé de production d’une molécule plateforme (synthon) et d’un solvant vert à partir de sciure de bois. A partir de cette molécule plateforme, nous avons travaillé sur plusieurs voies de synthèses durables chimiques et biotechnologiques pour accéder à des produits pouvant être utilisés pour des applications très diverses : antiviraux, polymères, tensioactifs…En allant même jusque concevoir un arôme de beurre ! L’URD ABI est tournée vers la recherche appliquée et vers l’international, puisque nous collaborons avec de nombreuses universités étrangères telles que l’Université de New England et Monash University (Australie), l’Université de Floride (Etats-Unis) ou encore l’Université de Kyoto (Japon).
Kévin Magnien, directeur adjoint de l'URD ABILe cœur des missions de l'URD ABI, c'est de valoriser des co-produits (des déchets, donc), de leur donner une nouvelle fonction, d'aller toujours plus loin pour continuer à développer et à optimiser des procédés industriels plus durables.
L'URD ABI dans les dix ans à venir
Kévin Magnien : Sur les collaborations, nous allons continuer à travailler très étroitement avec nos partenaires historiques tout en nouant de nouveaux partenariats stratégiques avec des acteurs majeurs nationaux et internationaux. Nous travaillons également à mettre davantage de moyens sur le transfert de l’›innovation et la création de start-ups. Il y a par exemple la création du Biotech’InnLab, qui découle de cette volonté.
Sur les travaux : l’unité va continuer à travailler sur les molécules anti-UV, mais nous allons diversifier nos synthons de départ en multipliant les procédés, pour diversifier aussi le portefeuille de brevets. Là, par exemple, nous élargissons notre champ de recherche en travaillant sur des procédés de biomimétisme à partir des algues et des coraux, car eux aussi ont des mécanismes de défense très intéressants face aux rayons solaires.
Sur la continuité de notre partenariat avec CIRCA : depuis 2018, l’entreprise a la possibilité de commercialiser leur solvant vert en Europe (obtention de l’agrément), et nous avons pour objectif de produire le solvant en Europe avec la création d’une usine de 1000 tonnes en région Grand Est. Et c’est, entre autres, grâce à notre partenariat que CIRCA a pu s’implanter dans la région du Grand Est !
Florent Allais : Enfin, nous allons capitaliser sur ce que nous savons faire, en essayant toujours d’aller plus loin dans le transfert technologique. Nous ne souhaitons pas diversifier nos champs de compétences, mais au contraire les approfondir. Les compétences qui nous font défaut, nous y accédons au travers de nos partenariats.
L'URD ABI, c'est dix ans d'existence et...
16
brevets déposés
37
contrats industriels
157
articles publiés
187
collaborations
42
doctorants et post-doctorants
22
scientifiques permanents
5 M
d'euros de financements externes
L'URD ABI, c'est aussi dix ans d'histoire !
La toute première phase de création date de 2007. Elle est née de la volonté d’un groupe de collectivités territoriales (Reims Métropole devenue Communauté Urbaine du Grand Reims, Région Champagne-Ardenne devenue Région Grand Est, Département de la Marne), et de son souhait de développer un centre de recherche d’envergure, le CEBB (Centre Européen de Biotechnologie et de Bioéconomie) avec de grandes écoles comme AgroParisTech - car historiquement, il existait de nombreuses collaborations avec l’école - et CentraleSupélec.
A cette époque, AgroParisTech est en phase de création avec la fusion des trois écoles d’ingénieurs (ENGREF, ENSIA et INA P-G) et ne peut donc s’engager pleinement dans le projet. En 2011, AgroParisTech lancée, cette dernière signe avec les collectivités la convention qui officialise le projet et la création d’une Chaire de recherche, la Chaire ABI (Agro-Biotechnologies Industrielles). L’ambition de départ était de valoriser les agro-ressources et les co-produits locaux pour créer des molécules et des matériaux à moyenne et haute valeur ajoutée, tout en favorisant l’innovation, le transfert technologique et l’hébergement de start-ups, et de nouvelles activités économiques dans la région.
« En octobre 2012, quand j’arrive sur le poste, le concept de la Chaire ABI existe mais il faut concrétiser son développement. J’avais donc pour mission de créer une équipe, de gérer les investissements, et de trouver des locaux pour créer un laboratoire et lancer nos activités de recherche. Deux pôles scientifiques étaient initialement prévus : le pôle Biotechnologies et le pôle Génies des procédés. Étant chimiste de formation, je décide d’y ajouter un pôle Chimie verte. L’aventure commence au collège des Trois Fontaines à Reims, où nous nous installons provisoirement le temps que le bâtiment CEBB soit construit : un laboratoire de recherche académique dans un collège, ça s’est rarement vu ! Nous y resterons quelques années ! c’est là que nous recrutons nos premiers membres, et que, dès la première année, nous publions notre premier article scientifique et que nous déposons notre premier brevet.
À partir de là, nous nous construisons et développons en tant qu’équipe : une équipe jeune (moyenne d’âge : 26-28 ans), qui n’a pas peur de collaborer entre les trois pôles et de miser sur la transdisciplinarité. Après trois ans au collège, la Chaire ABI investit ses nouveaux bureaux et laboratoires dans le nouveau centre de recherche du CEBB au cœur de la bioraffinerie de Pomacle-Bazancourt : nous avons ainsi accès à de nouveaux laboratoires dédiés au génie des procédés, aux biotechnologies et à la chimie, entièrement équipés des dernières technologies et d’une halle technologique de 400 m². Il est temps de passer à la vitesse supérieure !
Vient enfin, en 2019, l’aboutissement du projet avec non seulement le doublement de l’effectif, mais aussi le changement de statut, le moment où la Chaire ABI devient l’URD ABI, une unité de recherche et de développement reconnue par les ministères de tutelles. En janvier 2013, nous étions trois, aujourd’hui nous sommes une vingtaine de permanents, sans compter les nombreux doctorants, post-doctorants et stagiaires.»