« Notre expédition pour lutter contre la pollution microplastique a confirmé notre envie de nous engager dans la cause environnementale »
14 décembre 2022De retour d’une expédition scientifique de quatre mois sur un voilier parcourant les côtes espagnoles, françaises et sardes, Clara Dubel-Jam, Présidente et Responsable Communication de l’équipage 2022 de Sea Plastics, nous en dit plus sur cette association étudiante. A l’abordage !
Bonjour Clara. Avant d’aborder les détails liés à l’expédition menée au printemps, peux-tu, en quelques mots, nous présenter l’association Sea Plastics ?
Sea Plastics est une association fondée en 2016 par des étudiants d’AgroParisTech qui a pour objectif de mener chaque année des expéditions en mer Méditerranée pour, d’une part, étudier la pollution microplastique en récoltant des données sur le terrain et d’autre part protéger, par des actions de sensibilisation notamment, la biodiversité marine. Une expédition de plusieurs mois a lieu chaque année avec un nouvel équipage composé d’étudiants motivés ! Si, au départ, il n’y avait que des étudiants d’AgroParisTech, l’association s’est au fil des expéditions ouverte à des étudiants venus d’autres écoles, ce qui nous a permis d’élargir notre panel de compétences.
Il y a donc, chaque année, une nouvelle équipe, une nouvelle étude et deux missions pour une expédition : une mission scientifique et une mission de sensibilisation.
Oui ! Et cette année, nous étions quatre étudiants d’AgroParisTech : Alice, trésorière et responsable itinéraire, Anne-Laure, secrétaire et responsable Sensibilisation, Numa, vice-secrétaire et soutien sans faille et moi-même ! Laurine, étudiante à l’EPFL (lien) a été recrutée en tant que vice-présidente et responsable sciences. Voilà pour la répartition de l’équipe. Et plus concrètement sur le terrain, j’étais en charge des relations en direct avec nos partenaires (que nous souhaitions engagés dans le développement durable), Anne-Laure de la création de jeux à destination du grand public, Laurine des analyses d’échantillons prélevés tout au long de l’expédition et Alice de l’élaboration de l’itinéraire… Numa, Vice-Secrétaire, a été un soutien important dans toutes les missions menées à bord, car ce qu’il faut mentionner, c’est qu’en plus des missions principales citées, il y a beaucoup de logistique à gérer.
C’est-à-dire ?
Et bien par exemple, rien que pour l’échantillonnage (échantillons de microplastiques prélevés lors de l’expédition à destination des partenaires scientifiques chargés de les étudier ensuite), il faut toute une installation de matériels qui demande du temps et de l’effort. La pose du matériel, le tractage (au filet manta ou au filet fermant), la filtration, l’élimination de composés organiques ou le stockage des échantillons avec de l’éthanol, c’est en gros une demi-journée de travail : au total, nous avons fait 36 prélèvements.
Autre exemple : lors de nos opérations de sensibilisation, il a fallu accoster dans plus d’une vingtaine de ports et cela aussi demande une organisation logistique avec les accueillants, qu’ils soient portuaires, administratifs, scolaires…
Revenons à la mission scientifique : chaque année un sujet d’études sur les microplastiques est proposé. Quel était celui de l’expédition 2022 ?
Cette année, nous avons été ambitieux car il n’y avait pas un sujet d’études mais deux ! Nous avons étudié le transport de polluants par les microplastiques et mené en parallèle une étude sur le vieillissement des microplastiques en conditions environnementales. Pour la première étude, il faut savoir que les microplastiques, en se déplaçant dans la mer méditerranée où 229 000 tonnes sont déversées chaque année (!), déplacent avec eux des polluants chimiques, des additifs qui sont associés aux plastiques lors du processus de fabrication (exemples d’additifs : des colorants, des retardateurs de flamme, des lubrifiants, des stabilisants chimiques…). Comment ces polluants se comportent-ils ensuite dans l’eau ? Avec quel impact sur la faune marine ? Car on sait par exemple que pour le microplastique, plus on remonte la chaîne alimentaire, plus la concentration est forte. Mais qu’en est-il des polluants associés ?
La seconde étude a été pour nous l’occasion d’étudier à l’aide d’expériences embarquées le processus de vieillissement de plastique en condition environnemental avec huit points d’échantillonnages (bandelettes de plastiques) répartis sur le voilier, et nous avons également étudié les dynamiques d’absorptions en milieu marin.
Les résultats sont en cours d’analyses, nous espérons avoir les résultats des échantillonnages réalisés dans les prochaines semaines.
"Notre message, qu’on le transmette par le biais d'un jeu ou par une communication plus classique avec des données chiffrées, est simple : pour réduire le plastique dans les mers et les océans, recycler ne suffit pas, il faut à tout prix en consommer moins."
Votre deuxième mission a consisté à mener des opérations de sensibilisation aussi bien dans les écoles que dans les événements grands publics menés en plein air. Quel message souhaitiez-vous faire passer ? Que retenez-vous de cette édition ?
D’abord, on en retient que l’opération dans sa globalité a été une réussite. On a pu échanger avec 88 classes d’élèves (soit plus de 2000 élèves, de la grande section à la terminale !) et plus de 800 personnes sont venus nous rencontrer sur les stands « Grand Public ». Il y avait beaucoup de curiosité, de la volonté d’échanger aussi. Notre message, qu’on le fasse passer à travers un jeu ou par une communication plus classique avec des données chiffrées, est simple : pour réduire le plastique dans les mers et les océans, il faut en consommer moins. Car aujourd’hui, seuls 35% de nos déchets plastiques sont recyclés. Et ceux qui sont recyclés subissent de gros trajets pour l’être…La seule solution est donc vraiment de réduire tant que faire se peut notre consommation, à notre échelle.
Comment les « petits » et « grands » ont-ils accueilli vos campagnes de sensibilisation ?
Les enfants ont toujours été très curieux et, belle surprise, ils sont déjà bien éveillés ! Et très réceptifs à notre volonté de les sensibiliser sur le sujet. Pour les adultes, c’était intéressant car même si nous sentions leurs envies d’échanger, beaucoup pensaient qu’ils faisaient déjà assez en recyclant leurs déchets…Alors que ce n’était pas forcément la manière la plus efficace d’agir, d’autant que le plastique est vraiment partout, dans tout ce qu’on achète, de l’alimentation à la cosmétique en passant par le textile (un tiers du textile fabriqué aujourd’hui comporte des microplastiques) !
Et vous, au sein de votre équipe, qu’avez-vous retenu de votre périple ?
Je ne peux pas parler pour les autres mais je dirais que déjà humainement, pour moi, ça a été une expérience extrêmement riche : je ne pensais pas pouvoir cohabiter sereinement dans un tout petit espace, et en fait ça s’est très bien passé (sourire). On a aussi dû s’adapter aux galères (ndlr : ils ont dû changer deux fois de voiliers en cours de route, ce qui a causé des désagréments niveau logistique ainsi qu’un changement d’itinéraires imprévu) et pas des moindres et ça, c’est une très bonne école ! Les échanges, le contact humain avec le public nous ont gonflé à bloc et nous ont confirmé que ce que nous faisions avait du sens et qu’il fallait qu’on continue dans cette voie.
Ça a renforcé votre sensibilité à la cause environnementale ?
Oui, et c’était concret ! Pour ma part, je connaissais Sea Plastics avant même d’entrer à AgroParisTech et j’étais allée à leur conférence l’année précédente dans l’espoir de faire partie de l’expédition 2022. Je peux donc dire que cette expérience est vraiment une confirmation : je souhaite continuer à m’engager dans des projets liés à l’environnement et aux questions écologiques, qui ont un impact plus ou moins importants dans la société de demain.